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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 09:42

MM. Valentin Cazalet et moi revenons de la seconde tournée missionnaire dans la vallée de l’Hérault. Le 20 octobre à 1 heure de l’après-midi nous arrivons à Saint-Guilhem-le-Désert, à 32 kilomètres de notre point de départ. L’hôtelier qui, à notre précédent passage, nous avait promis sa remise pour une prochaine occasion, fait maintenant des difficultés : c’est la cueillette des olives, sa remise est pleine. Il nous envoie chez son collègue d’en face. Celui-ci ne veut rien entendre. Il ne veut même pas nous loger : « Allez, dit-il, chez Roussel, c’est là qu’on donne toutes les conférences ! » On va chez Roussel. Un brave homme que l’ami Cazalet a rencontré il y a deux ans dans une de ses tournées de colportage, nous sert de guide. Il nous fait prendre l’air du clocher en nous faisant visiter une intéressante Église style roman, avec ses murs en cintre et des orgues tout à fait remarquables que l’on ne rencontre plus dans des Églises modernes, plus grandes et peut-être plus riches. Nous sortons de l’Église pour entrer au café. Le geste n’est pas très digne. Mais vous vous rassurez, chers lecteurs. Vous savez que nous avons besoin d’une salle pour le soir, et qu’il faut sortir de l’illusion pour entre dans le réel, M. Roussel est d’ailleurs dans les meilleures dispositions. Nous pouvons compter sur la salle ; nous pourrons loger dans la maison. La femme nous prépare un léger repas. Nous disposons nos affiches avec pour sujet, Vive la Liberté ; un vieillard, cordonnier, nous prête volontiers son pot de colle, il ne veut rien accepter en retour et nous voilà barbouillant nos affiches et les collant contre les murs. Après ce travail nous tenons le village de maison en maison, nous causons avec les gens, nous leur parlons du Livre qui est au-dessus de tout livre, nous vendons quelques Nouveaux Testaments, des portions, nous donnons quelques brochures. Nous rencontrons dans ce village beaucoup d’indifférence et même par-ci, par là, un peu d’hostilité. Un homme auquel s’adressent mes collègues est plutôt grossier ; Il ne sait pas ce qu’on vient faire là. Pour lui sa religion c’est la pièce de 20 francs ; Vous pensez bien que l’occasion est bonne pour lui répondre et que nos frères en profitent. Sa femme évidemment dans de meilleurs sentiments, fait signe en s’avançant et nous dit : « Ne l’écoutez pas ! » le mari a surpris la démarche et lui crie : « Tu ferais bien mieux de te tenir dans la cuisine. » Et à nous cette pensée vient : qu’il est bon quelquefois que la femme en sorte. — A 5 heures, nous allons trouver le maire pour l’inviter. Nous savions qu’il était absent l’après-midi, on nous avait mal renseigné. Sa femme et lui nous reçoivent bien. Madame connaît nos livres, elle en a acheté deux autrefois. Le maire regrette que nous donnions notre conférence au café Roussel dont la clientèle est plutôt réactionnaire, nous risquons de n’avoir personne du parti opposé. Mais la parole est donnée, il faut aller de l’avant par la porte qui nous a été ouverte. Une autre fois, M. le maire nous donnera une salle d’école.

            La conférence est annoncée pour 7 heures ¼. A ce moment il ne se trouve que six consommateurs dans le café, nous attendons encore ¼ d’heure, il y a en plus le patron ; M. Valentin fixe d’emblée l’attention de ce petit auditoire qui grossit enfin d’une dizaine de jeunes gens à l’air frondeur et moqueur, mais ils écoutent tout en fumant, jusqu’au bout. Deux ou trois hommes opinent fréquemment du bonnet et frappent sur la table pour approuver certaines phrases des orateurs, ce sont les seuls qui, d’ailleurs nous achèteront le Nouveau testament. L’un d’eux essuie même cette apostrophe d’un des jeunes gens qui lui dit en patois : « Eh bien ! si ça te plaît, fais-toi protestant ! » A vues humaines nous serions tentés de dire que nous venons d’essuyer un échec, nous n’en avons pas la liberté. Le souvenir de Jésus qui n’a pas été accueilli partout nous réconforte. Au reste, nous avons pu faire part de nos convictions et rendre témoignage à la personne du Sauveur dans une salle de café et devant une vingtaine d’hommes. Nous avons semé des idées inspirées de l’Évangile, nous les avons arrosées de nos prières et des vôtres chers amis qui nous lisez, qui sait si , comme le dit le cantique, Dieu ne fera pas éclore à son heure, « la fleur et le fruit. »

 

            Le lendemain matin à 8 h. nous reprenons notre course. Le vent est violent, il rend notre marche pénible à chaque instant il faut descendre des machines pour faire la route à pied. De gros nuages noirs s’amoncellent sur nos têtes. Nous passons à Aniane où nous nous arrêtons pour acheter des timbres d’affiches, des cartes postales et visiter la grande halle vitrée que nous comptons bien occuper un jour. Nous nous hâtons et reprenons la direction de Puechabon où nous faisons notre entrée à 10 heures. Déjà celle-ci est signalée. A quelques centaines de mères du village 2 femmes nous reconnaissent. L’une dit à l’autre : « A quo aqueles que cantavo ! » Ce sont ceux-là qui chantent. A l’entrée du village, dans l’atelier du forgeron, des hommes causent entre eux. L’un se détache du groupe en nous apercevant : « Tè ! s’écrit-il, à qui lous de la outré cap ! » Tiens ! voilà ceux de l’autre fois. C’est M. le Maire, un libre-penseur bienveillant avec lequel nous avons eu un entretien dans notre précédente tournée. Nous l’abordons, lui serrons la main, lui demandons la salle de la mairie pour le soir.

            Il descend le village avec nous, nous introduit dans la maire, nous fait visiter la salle du Conseil où nous parlerons le soir à 7 heures, nous fait passer ensuite au secrétariat où sur un grand tapis vert il met à notre disposition les plumes, encriers, crayons qui nous servirons à remplir nos affiches. La concierge nous fait de la colle et comme à Saint-Guilhem nous placardons nous-mêmes, ici et là, notre grand sujet de la Liberté.

 

(A suivre)

 

Ed. Vidoudez,L’Évangéliste, 07/11/1913.

 

 

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